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MON APRES 13 NOVEMBRE

22/11/2015

(Mon journal, extrait)

Concert de Brigitte, super top, émouvant, vibrant.

Keren Ann en Guest star , un groupe de filles en col Claudine qui chante dans un esprit Birkin-Gainsbourg/Brel, en première partie.

Des voix langoureuses et suaves, un peu rauques à force de tournées, qui vous rappellent que Paris sera toujours Paris.

Un peu plus d'une semaine s'est écoulée depuis les événements tragiques du 13 novembre 2015

Cet attentat, je l'ai vécu depuis ma fenêtre, à trente mètres de la Belle Equipe rue de Charonne dans le 11eme.

Des connaissances qui y échappent de peu. Habituellement assis en terrasse ils étaient ce soir là exceptionnellement à l'intérieur pour cause d’anniversaire de la patronne.

Alors hier soir, après huit jours d'angoisse et de psychose branchée à "i- télé/B.F.M", j'ai bravé ma peur et j'y suis allée à ce concert.

Si ma copine Chloé ne m'avait pas montré la voie, j'aurai eu peur, j'aurai déserté. Et ils auraient gagné ces salopards de Daech, ce mot qui sonne comme une insulte vulgaire est un monstre sans visage mais aux multiples faciès.

Parfois l’instinct de survie vient des amis.

Hier soir au concert de Brigitte, cette femme à deux têtes, l'atmosphère était palpable.

Une épaisse buée transparente semblait engluer les gens les uns aux autres dans une même pensée. Un truc impalpable nous unissait. Chacun de se saluer avec l'air entendu que si nous étions là ce soir c'était bien parce que cela voulait dire quelque chose. Quelque chose de commun nous liait.

De commun à Chloé, qui fait des Cupcakes magiques rue Pigalle.

De commun à Nasha, juriste à Paris qui dit qu'elle est née du mauvais côté de la frontière car elle est syrienne mais aurait trouvé plus "classe" de naître à Beyrouth.

De commun aussi à Fauzia qui revient d'un voyage au Pakistan en visite chez ses parents.

De commun avec moi, qui aie vécu pendant treize ans à Tel Aviv.

(fin de l’extrait)

Après le 13 novembre, je me suis posée beaucoup de questions sur le sentiment de peur, à quoi il était lié. J’ai passée 13 ans à laisser les autres s’inquiéter pour ma sécurité pendant que je faisais la fête dans les boites de nuit de Tel Aviv. 13 ans à prendre le bus presque sans flipper, à ouvrir mon sac à chaque entrée dans un centre commercial ou d'une manif, à faire ces choses automatiquement parce que,là-bas, tout le monde le faisait depuis longtemps.

Etait-ce treize ans de « déni de peur »? Etait-ce de l’inconscience?

Pourtant j’en ai « vécu » des attentats. J’ai vu les gens pleurer leurs pertes. J’ai sangloté devant mon écran de télé en voyant les noms, les âges, les visages de ceux qui étaient morts.

Alors pourquoi ai-je eu peur le 13 novembre dernier et pas pendant toutes ces dernières années?

Peut-être à cause de ce temps de latence infini entre la fin des coups de feu et l’apparition de bribes d’information sur les réseaux sociaux.

- Mais c’était quoi?

- C’était des coups de feu

- Allumes la télé

- Y a rien

- Eloignes-toi de la fenêtre

- Appelle ta soeur et ton frère et dis leur de rentrer le plus vite possible ou de rester là où ils sont

Et puis plus rien, une attente , du silence, alors on va fumer une cigarette dans la cuisine. On ne comprend pas pourquoi on n’entend pas les secours arriver. On est là au bord du fou rire tellement l’angoisse est là. J’appelle Chloé.

- Karen, y a des mecs qui parlent de fusillades dans le quartier, ils disent de pas bouger que les mecs sont en fuite.

- Mais t’as tapé quoi comme mots-clefs?

Là c’était dit. Mais le pire restait à venir. #attentats, #labelleéquipe, #bataclan #terrorisme…

Et c’est là, insidieuse, vicieuse, silencieuse, que la peur s’installe.

Je me souviens que ma voisine est passée me voir le lundi suivant. Elle était à la campagne pendant l'attentat et nous avons communiqué par SMS ce soir là.

Elle m’a demandé comment j’allais. Elle m’a fait parler, elle a partagé avec moi ce que les autres lui avaient dit, elle m’a laissé me vider.

Et quand je lui ai dit que je n’osais toujours pas sortir de chez moi, elle m’a secoué.

Elle m’a parlé de la Liberté, elle a dit le mot magique! Je lui ai fait part de mon hésitation à aller au concert de Brigitte samedi soir.

- Mais t’as envie d’y aller?

- Bah bien sure que j’ai envie d’y aller, mais bon, c’est un concert, avec ce qui vient de se passer, tu comprends….

- Non mais t’es folle, faut y aller, on va pas s’arrêter de vivre quand même! On va pas les laisser gagner!

Lorsqu’elle est partie, j’ai pleuré.

Et puis je me suis demandé encore une fois pourquoi là, maintenant, j’avais peur. Peut-être parce que j’avais grandi? Ou alors parce que je ne pensais pas que je vivrai un jour ce genre de situation en France. Où alors à cause du climat de tristesse de mon quartier les jours qui ont suivi ce vendredi noir.

Où alors peut-être parce que ça aurait pu être nous.

Et justement, ce n’était pas nous.

NOUS on est encore là.

J’ai arrêté de chercher une raison rationnelle à la peur, parce qu’il n’y en a tout simplement pas.

J’ai décidé de vivre, de sortir, de rire, d’écrire.

Et parfois quand j’hésite à faire un détour pour éviter un bain de foule, je pense à tous ceux qui sont morts, et je me dis qu’en leur mémoire, je me dois de marcher droit.

Vive la vie!

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